Vu
la pauvreté de ce que propose l’Education nationale comme panel de langues
vivantes dans le secondaire, largement dominé par l’anglais, l’espagnol et
l’allemand, bon nombre de jeunes Français
découvrent
avec joie en arrivant dans le supérieur qu’il est possible d’apprendre
d’autres langues, dont l’arabe (1).
Les
questions ne manquent alors pas : comment aller vite, pour rattraper le
temps perdu ?
Faut-il
faire une licence d’arabe en parallèle à la discipline principale ? Faut-il
absolument faire un séjour dans un pays arabe ? Quelle est la méthode la plus
efficace ? Et combien de temps faut-il pour apprendre l’arabe ?
La
motivation ne manque souvent pas, mais le chemin est difficile a priori. Les
lieux d’enseignement, les parcours et les méthodes sont multiples. Mais nulle
part il n’est possible d’aller vraiment vite. Nous
vivons
pourtant à une époque qui ne le pardonne pas. Les moyens techniques ont aboli
toutes les frontières.
Les
supports en tous genres sont accessibles en tout lieu et à tout moment. Le
temps « utile » passé avec le professeur a radicalement changé. Continuer
donc à étudier et à enseigner la langue comme il y a trente ans est un
contresens total.
Certains
étudiants du supérieur ont parfois le sentiment de perdre leur temps en
cours, surtout quand le professeur offre un commentaire de texte ou une analyse
lexicale au lieu d’un cours de langue.
Le
travail en autonomie se révèle alors bien plus efficace pour accélérer
l’acquisition de compétences langagières. Certes « langue » et « culture »
sont intimement liées.
Mais
si l’on considère que chaque minute compte en cours de
langue, quelles sont les priorités ? Quelle est la part d’activités qui
peut être laissée au travail en autonomie ?
Repenser
le cours de langue est aujourd’hui une nécessité. Celle-ci devient absolue
quand il s’agit de langues dites difficiles, d’un système différent.
Pour
un francophone, apprendre « vite » est plus facilement accessible quand il
s’agit de l’italien ou de l’espagnol. Avec l’arabe, le chinois, le japonais,
le risque d’une déception est plus grand.
Il
est donc indispensable de se montrer astucieux et de trouver un mode de fonctionnement
innovant et efficace.
Comment
?
Quelle
que soit la méthode utilisée, l’étudiant a besoin de repères, d’habitudes,
d’outils suffisamment souples pour respecter son propre rythme. Le numérique
l’autorise aujourd’hui.
Des
parcours variés peuvent donc cohabiter sans se gêner. Les explications du
professeur reçues sur place peuvent rester accessibles sur vidéo.
Le
laboratoire de jadis s’efface et se trouve transféré vers le MP3 ou vers
l’ordinateur personnel.
Les
exercices peuvent être conçus pour être faits chez soi, avec un corrigé
accessible en ligne, accompagné d’une lecture sonore. Tous les documents
doivent être sonorisés, voire illustrés.
Le vocabulaire ne doit manquer nulle part.
Un lexique thématique doit être disponible avec une variété suffisante : des
listes élémentaires jusqu’aux glossaires spécialisés. L’interaction ne se
limite pas au cours de langue : elle s’exerce sur un forum en arabe animé et
piloté par l’enseignant.
Le
temps passé avec le professeur devient alors un moment d’intense échange sur
la méthodologie, de pratique réelle de la langue et de bilan des acquis de la
semaine.
Le
tout ne peut fonctionner bien sûr que si le lieu est adapté : avec équipement
complet permettant l’usage des TICE : réseau et tableau blanc, au moins.
Dans
une telle configuration, le temps nécessaire à l’apprentissage de l’arabe littéral
moderne diminue considérablement.
Deux
heures par semaine suffiraient si l’investissement personnel de l’étudiant
pouvait aller jusqu’à au moins cinq ou six heures supplémentaires en autonomie.
Si
l’objectif est un niveau B1 de l’échelle européenne, une année suffit à
l’étudiant motivé et bénéficiant d’une certaine facilité à apprendre les
langues étrangères.
Mais
cela n’est pas possible sans des choix pédagogiques précis. Lesquels ?
Quand
il s’agit d’apprendre l’arabe littéral comme outil de communication,
c’est-à-dire comme moyen pour comprendre ce qui se dit en arabe aujourd’hui
et pour se faire comprendre des Arabes d’aujourd’hui, il faut se référer à
l’arabe tel qu’il est pratiqué actuellement dans les médias.
Le
constat est immédiat : pas de vocalisation à l’écrit, pas de désinences
casuelles systématiques à l’oral. Il faut donc apprendre sans voyelles brèves
et surtout avec l’alphabet arabe.
Faire
croire que la transcription phonétique peut aider est une tromperie
inacceptable.
Les
« fautes » courantes, de déclinaison, commises régulièrement par les Arabes
sont légion, y compris à l’écrit. Il n’est nul besoin d’être plus royaliste
que le roi.
Le
respect de la norme classique ne doit pas être une obsession dans une phase
d’initiation. La découverte des règles grammaticales incombe en partie à
l’étudiant, le transfert de l’arabe littéral vers
les
différents dialectes aussi.
A
ma connaissance, une telle expérience n’est pas faite en France pour l’apprentissage
de l’arabe.
Tout
est réuni pourtant pour la tenter. Par le passé un professeur d’arabe
pouvait, devait parfois, travailler seul, coupé du monde. A-t-on le droit
aujourd’hui d’agir ainsi ?
La
fédération des moyens et des expériences est plus facile aujourd’hui grâce à
l’Internet. Elle est donc une exigence quasi morale. La communauté des
enseignants d’arabe peut relever le défi et inverser une situation aberrante
: au lieu d’être une langue encombrante, l’arabe peut devenir un atout pour
les établissements qui cherchent l’excellence.
Seul
peut le permettre un dispositif pédagogique exemplaire, moderne, innovant, par
groupes de niveau.
S’il
s’agit d’apprendre la langue dans le but de l’utiliser pour communiquer par écrit
et oralement, il n’est pas nécessaire de s’inscrire dans un cursus complet
d’arabe (une licence de trois ans, avec une quinzaine d’heures par semaine
couvrant tous les aspects de la discipline : grammaire, littérature classique
et moderne, histoire ancienne et contemporaine, civilisation, islamologie,
linguistique, science politique…).
Une
licence d’arabe est destinée fondamentalement à la spécialisation. Elle n'est
pas nécessaire dans le cadre de l'étude d'une autre discipline, comme
l'histoire ou la philosophie, par exemple.
Il
n’est pas nécessaire non plus de lier l’apprentissage de l’arabe à un séjour
prolongé (un an, par exemple) dans un pays arabe.
Certes
il s’agirait d’un atout formidable, mais soyons réalistes et profitons de ce
fantastique accès au savoir que nous apporte l’Internet.
Un
bon dispositif d’accompagnement peut compenser l’absence de ce séjour dans le
pays (par exemple, par des échanges avec les arabophones
présents
en France).
Tout est réuni en
France pour développer un dispositif de référence mondiale. Il suffit de le
vouloir et de mutualiser les moyens au niveau des enseignants, des
établissements et des régions.
Ghalib Al-Hakkak,
PRAG d’arabe à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne 25 mars 2011, modifié 3
février 2013.
(1) C’est le cas
à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, où dix langues vivantes sont
proposées :
allemand,
anglais, arabe, chinois (mandarin), espagnol, FLE, italien, japonais,
portugais et russe. Toutes les universités de France n’offrent pas un choix
aussi large. Hélas.
==> Apprendre l'arabe chez nous <==
|
Apprendre l’arabe, vite et bien, est-ce possible ?
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire